Les meilleures banques en Afrique

 

Les 200 premières banques africaines : Standard Bank, Attijari, BMCE, Ecobank font la preuve de leur résilience


Secouées par les multiples épisodes de la crise du Covid-19 comme toute l’économie continentale, les grandes banques africaines ont malgré tout fait preuve de solidité pendant cette période. Et certaines repartent déjà fort.

Une période sans pareille. Comme l’ensemble de la planète, le continent africain, pourtant jusque-là le moins touché par la pandémie, aura vu son économie jouer aux montagnes russes depuis le début de 2020. En cette phase où l’on semble s’approcher d’une sortie de crise, les prévisions de la Banque africaine de développement (BAD) font état d’une croissance attendue en Afrique subsaharienne de 3,4 % en 2021 et de 4,6 % en 2022, ceci après une récession chiffrée à 2,1 % l’an dernier.

En 2020, tous les pays du continent ont vu leur croissance s’affaisser, voire s’effondrer. Sur le plan régional, le produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique du Nord aura reculé de 1,1 % (dont 5,9 % pour le seul Maroc) selon la BAD, celui de l’Afrique centrale de 2,7 %, celui de l’Ouest de 1,5 %. Quant à l’Afrique de l’Est, elle est la seule à être restée en territoire positif (+ 0,7 %).

Tripler la capacité d’emprunt

Et le total des bilans de ces 200 banques ? Il s’affiche en progression de 12,39 % à 1 973 milliards de dollars. Cette nette hausse, plutôt inattendue pendant cette période récessive, s’explique, en bonne partie, par l’effet des politiques monétaires dites « non conventionnelles », mises en place pour faire face à la crise. Ces politiques comprennent, de la part des banques centrales, une large mise à disposition de liquidités et une baisse souvent historique des taux directeurs.

LES BANQUES ONT ÉTÉ EN PREMIÈRE LIGNE DANS CETTE PÉRIODE HORS NORME

À titre d’illustration, en 2020, outre plusieurs baisses des taux, la banque centrale marocaine, Bank Al-Maghrib, a ainsi décidé d’élargir les collatéraux (actifs acceptés en garantie) éligibles aux opérations de refinancement permettant, rappelle une note d’Attijariwafa bank, « de tripler la capacité d’emprunt des banques, de renforcer le programme non conventionnel de refinancement des crédits aux très petites et moyennes entreprises et d’assouplir les règles prudentielles ».

Pour sa part, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), après avoir, dès la fin de mars 2020, procédé par le biais d’une première adjudication à une injection de liquidité au taux fixe de 2,50%, a servi, à compter du 24 juin 2020, la totalité des besoins de liquidité exprimés par les banques de la région au taux unique de 2 %. La South African Reserve Bank ou encore la Central Bank of Nigeria ont conduit la même politique, sans grand changement jusqu’à ce jour, tant est prégnant le besoin de financement des économies africaines.

Suspension des crédits

Hormis la répercussion de la crise sur leur activité propre, les banques ont été en première ligne dans cette période hors norme. La plupart de gouvernements se sont souvent servis en effet du canal bancaire pour mettre en place des mesures pour amortir le choc en ciblant les PME. De nombreuses banques du continent ont mis en place, à partir d’avril 2020, des mesures de suspension ou des rééchelonnements de crédits, ce qui a été le cas par exemple chez KCB au Kenya.

Ces mesures, indique l’un de ses dirigeants, ont été rendues possibles « grâce à l’action de l’État, de la Banque centrale et des institutions internationales comme la Banque mondiale et le FMI qui, pour aider les entreprises à faire face à cette crise inédite, ont créé des dispositifs fléchés vers le secteur bancaire ».

LE HAUT DE NOTRE CLASSEMENT DEMEURE ÉTONNAMMENT STABLE

En Côte d’Ivoire, un prêt accordé de 300 millions de dollars par la Banque mondiale en février doit notamment servir à soutenir le crédit aux PME à travers la création d’un Fonds de garantie des crédits aux petites et moyennes entreprises. De son côté, en septembre 2020, Oragroup a reçu de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) une ligne de 50 millions d’euros destinée au financement des investissements des PME-PMI des huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

Pas de défauts majeurs

Concernant le Top 200 dans ce contexte inédit, le haut de notre classement demeure étonnamment stable comparé à l’an dernier. Les douze premières banques du classement restent les mêmes, à quelques modestes réajustements de rangs près. Une nouvelle fois, seuls trois pays sont représentés dans ce haut du classement, à savoir l’Égypte, le Maroc et bien sûr l’Afrique du Sud, qui continue d’aligner les champions, dont l’inamovible leader Standard Bank Group.

En part relative, les banques d’Afrique australe, principalement composées des quatorze sud-africaines classées, dominent à nouveau notre Top 200 en matière de bilan cumulé. Néanmoins, à 42 % du total, leur part recule de quatre points au profit des banques d’Afrique du Nord (35 % du total) et ouest-africaines (16 %), dont le poids relatif progresse de deux points chacune. La part des établissements d’Afrique de l’Est reste, elle, stable (16 %) du total.

AUGMENTATION DU RISQUE, DÉFAUTS DE CRÉDITS, BAISSE D’ACTIVITÉ… L’ANNÉE FUT RUDE.

De façon surprenante, cette année de crise n’a pas été marquée par des défauts majeurs d’établissements bancaires. Une forme de justification a posteriori des mesures de renforcement des ratios prudentiels mises en place ces dernières années par les tutelles. Tiémoko Meyliet Kone, gouverneur de la BCEAO, estime qu’en 2020 « les niveaux moyens des ratios de solvabilité, aussi bien pour les établissements de crédit que les systèmes financiers décentralisés de grande taille, sont ressortis supérieurs aux normes minimales en vigueur ».

Reprise marquée

Cette résistance ne masque pas le fait que l’année a été rude pour le secteur bancaire avec l’augmentation du coût du risque, les défauts de crédit, et la baisse d’activité liée à la dépression de secteurs comme le tourisme. Cela se traduit en termes de rentabilité. Sur notre Top 200, en moyenne la rentabilité (résultat net sur PNB) s’affiche à 24,6 % contre 30 % l’an dernier, ce qui est le plus mauvais ratio depuis que notre classement existe. Le cabinet McKinsey estime ainsi que le résultat sur capitaux des banques africaines a été divisé par deux pour s’établir à 7 %. Au Maroc, le profit net des banques chérifiennes a par exemple plongé de 42 %, selon Bank Al-Maghrib.

À noter toutefois que les résultats intérimaires de 2021 montrent souvent sur l’ensemble du continent une reprise marquée des profits, comme Standard Bank, dont le résultat ce premier semestre a rebondi de 41 %. Enfin, au-delà des ratios, une des conséquences de cette crise a été l’accélération de la digitalisation des process et des produits bancaires. Confinements et distanciation ont joué un rôle d’accélérateur du déploiement des services numériques et autres m-banking. Au sein de la banque kényane KCB, 98 % des opérations au troisième trimestre 2020 ont été effectuées en ligne ! Et la part du paiement mobile en C2B (consumer-to-business) est passée de 16 % à 44 % en un an.

Ce mouvement s’est fait au profit des établissements et réseaux traditionnels, mais aussi des néobanques et des fintech. C’est ce qu’illustrent les levées de fonds record en ce domaine depuis dix-huit mois, dont celle de 200 millions de dollars de l’entreprise Wave, établie au Sénégal, qui est ainsi devenue la première licorne de la zone francophone.

Source: Jeune Afrique